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Muses du Japon,
Sur leurs kimonos de soie,
Passent les saisons.

 

Le titre de ma 21ème Compozia est un haïku, pour rendre hommage à ce subtil art poétique de la capture de l’instant, de l’observation des aléas de la nature, de sa fugacité et de son éternel recommencement. Le thème des saisons japonaises me trottait dans la tête depuis quelques temps. La délicatesse des motifs japonais et la grâce des geishas sont pour moi des sujets d’inspiration qui me poursuivent depuis mes premières compositions (depuis ce que j’appelle mes balbutiements dans mon portfolio).

 

     I.        Vers une conscience plus fine de la nature

La culture japonaise est très sensible aux saisons, que ce soit dans leur calendrier, dans les motifs des tissus, dans la décoration intérieure, dans l’art culinaire, dans la littérature et le cinéma… Les saisons rythment la vie par des phases d’apogée et de déclin, elles stimulent nos 5 sens et nous font prendre conscience du caractère à la fois éphémère et perpétuel du cycle de la vie.

En Occident, nous avons tord de ne pas y prêter davantage attention. La chronobiologie est une sagesse pourtant bien connue des Européens depuis l’Antiquité, mais dont nous nous sommes malheureusement quelque peu éloignés. Cette composition sur le thème des saisons japonaises incarnées par 4 geishas allégoriques, a été pour moi l’occasion de développer un regard un peu plus conscient et un peu plus subtil à l’égard des phénomènes naturels à observer. J’ai notamment pris plaisir à regarder le marronnier en face de chez moi se couvrir de bourgeons puis fleurir…

illustration geishas des saisons

     2.       Faut-il compter 4 Saisons ?

Le Printemps vu par Katsushika Hokusai : « le Fuji vu du Goten-yama sur le Tôkaidö » – vers 1830-1832
L’Eté vu par Yashima Gakutei : « Navire entrant dans le port du mont Tenpô » – 1838
L’Hiver vu par Hasui Kawase : « Neige au temple Zojoji » – déc.1929
L’Automne vu par Utagawa Hiroshige : « Groupe de pèlerins dans un champ désolée d’herbes d’automne. » – 1838-1842
Au-delà des 4 saisons classiques (que sont l’hiver, le printemps, l’été et l’automne), les Chinois et les Japonais comptabilisent 24 périodes d’une quinzaine de jours (il s’agit de périodes luni-solaires) qui détaillent plus subtilement les étapes d’une grande saison. Par exemple l’automne se découpe comme suit :

L’arrivée du printemps / la fin des chaleurs de l’été / la rosée blanche / équinoxe d’automne / la descente du givre.

Mais plus subtil encore, les Japonais vont jusqu’à décrire 72 micro-saisons (3 petites saisons pour chacune des 24 périodes). Exemple de la période « rosée blanche d’automne » (au mois d’octobre) : Retour des oies sauvages / Floraison des chrysanthèmes / Les criquets chantent au pas de la porte.

Les Occidentaux considèrent à tord l’équinoxe ou le solstice comme le début d’une saison, alors qu’ils en sont l’apogée. Une saison commence bien avant son équinoxe ou son solstice et se termine bien après. Les Japonais et les Chinois considèrent par exemple que l’automne commence dès le mois d’août, voit son apogée à l’équinoxe à la fin du mois de septembre, et se termine début novembre. Et il n’est pas rare en effet de se plaindre en novembre que le froid arrive, que l’hiver déjà commence à se faire sentir. Le mois d’août est effectivement un mois où le soleil décline, l’été s’achève.

Je ne pouvais pas rendre compte de cette vision exhaustive des saisons dans mon illustration mais vous retrouverez au centre du dessin le cercle symbolisant ce découpage, ainsi qu’en bas à gauche les idéogrammes des nombres 72 et 24 dans l’encadré rouge.

C’est dans mon « Artjournal » que j’ai constitué en parallèle de cette œuvre que j’ai pris le temps pour illustrer les 24 périodes solaires et 72 micro-saisons. J’ai compilé 24 pages pour m’approprier cette conception calendaire et saisonnière que je trouve très intéressante. A découvrir en détail sur le site Journal du Japon.

Ce travail d’Artjournalling accompagne ma démarche artistique de façon indissociable. voir articles suivants :

 

artjournal saisons japonaises
grisha saisons motifs japonais

     3.        Symbolique des Geishas et des motifs japonais

J’ai choisi de prendre des geishas pour figures allégoriques des saisons. Je ne peux m’empêcher d’être fascinée par leur grâce, par leurs coiffures, par la somptuosité de leurs kimonos.

A noter que la geisha est d’abord et avant tout une femme-artiste. Elle peut être considérée comme une courtisane dans le sens où sa compagnie auprès d’hommes dans les lieux de réception (salons de thé …etc.) est requise. Courtisane mais non prostituée, sa compagnie est recherchée pour profiter de la Beauté, pour assister à de l’Art : l’art du kimono, la musique, le chant, la danse, la calligraphie, la poésie, l’art de faire le thé, et l’art de la féminité (normalement sans souillure). Les geishas sont à la culture japonaise, ce que les actrices américaines sont au cinéma hollywoodien (Audrey Hepburn, Grace Kelly…). Elles sont des symboles de féminité, des égéries, des femmes-artistes que l’on regarde avec admiration. On ne peut que déplorer les déviances et les abus qui entourent malheureusement ces femmes, dont le talent et la personnalité sont occultés par l’obsession du corps et de la sexualité.

La figure allégorique et fantasmée de la geisha était pour moi la plus à même de représenter la beauté de la nature et la poésie des saisons japonaises. Leurs kimonos sont également d’excellents supports, de part les motifs hautement significatifs qui les constituent. Les motifs japonais sont en effet porteurs d’une symbolique très forte, et se rattachant bien souvent à une saison en particulier.

En savoir plus dans cet article du site « Univers du Japon »

     Conclusion

Je me suis lancée dans ce projet au début de l’année 2022. C’était un projet moins exigeant en termes de lecture que mes précédents travaux (sur l’Odyssée, sur l’Yggdrasil, sur Jules Verne…) mais il n’en est pas moins le résultat de recherches iconographiques et culturelles, dont je ne peux plus me passer, car cela définit intrinsèquement ma démarche artistique.

J’ai bien conscience que je propose cette fois-ci et de façon inédite une œuvre très dynamique, très vive en termes de couleurs, quelque de chose de très énergique, de vigoureux et revigorant. Ces couleurs vives et chaudes reflètent l’énergie du soleil levant.