Voici une vidéo résumant la présentation de mon illustration ainsi que son making-off. … Suivie de commentaires et précisions plus détaillées sur l’œuvre…
Je suis aujourd’hui très heureuse et fière d’être arrivée au bout de cette illustration de Jules Verne, de cette Compozia. C’est incontestablement une de mes préférées, j’en suis même encore plus satisfaite que de ma précédente sur Nantes. Cette connexion avec l’univers de Jules Verne, avec la lecture de ses romans, cette exploration de la littérature, me procure un agréable sentiment d’accomplissement, quelque chose de profond et de rassasiant, que j’ai du mal à expliquer…
En tout cas, cela me donne envie de réaliser des projets similaires : j’ai dans l’idée de faire plus tard une Compozia sur Alice aux Pays des Merveilles et une autre sur l’Odyssée, ce qui implique de me plonger dans la (re)lecture de Lewis Caroll et d’Homère, ce qui promet d’être tout autant passionnant.
Illustrer Jules Verne : plan de composition
Mais pour en revenir à l’élaboration de ce projet, consistant à illustrer et synthétiser les principaux romans de Jules Verne, je suis partie comme souvent d’un plan de composition. Le premier, le brouillon (photo de gauche), a bien sûr évolué pour devenir celui de droite.
Des romans prévus au début ont finalement été écartés : Cinq Semaines en Ballon et Michel Strogoff, très populaires, mais qui finalement ne s’articulaient pas convenablement avec le reste. Ils devaient se situer au-dessus de la partie consacrée à Vingt Milles Lieus Sous Les Mers, mais les transitions n’étaient pas cohérentes, pas fluides. Par exemple, dans la première partie dédiée à Voyage au Centre de la Terre, le volcan par lequel sortent les personnages devient le volcan sous-marin de l’Atlantide, la transition était toute trouvée. L’Île Mystérieuse avait toute sa place, car elle est le pendant, la suite, de Vingt Mille Lieues sous les Mers (que j’abrège par « VMLSLM » dans mes notes), on y retrouve le capitaine Némo et son Nautilus. Les nuages du panache de fumée du volcan sont des éléments faciles à exploiter par la suite. Quant à la partie de droite autour de l’iceberg, le choix du Sphinx des Glaces, pourtant peu connu, était plus pertinent (que celui de l’Afrique ou de la Russie). La potentielle conquête des pôles, en particulier du Pôle Sud, territoire encore inexploré au XIX°, est un sujet qui passionnait Jules Verne.
Et mon idée était vraiment de représenter l’étendue des Voyages Extraordinaires : Jules Verne a imaginé et décrit l’exploration des limites du monde, les dernières frontières, les ultimes conquêtes au XIX° siècle de l’apogée de la colonisation et de la révolution industrielle. Dans ses récits, il est allé du centre de la Terre jusqu’à la Lune. Ses personnages ont parcouru l’ensemble du globe en temps record, en ont atteint les extrémités (les pôles), et les profondeurs sous-terraines et sous-marines. Ils ont même franchi l’atmosphère et erré dans l’espace autour du satellite terrestre. C’est fondamentalement cette idée-là que je voulais faire apparaître dans mon illustration de Jules Verne. C’est le sens qui se cache derrière cette superposition des différentes strates du dessin. J’ai donc intitulé ma seizième Compozia :
« Jusqu’aux bouts du monde »
Les croquis et recherches
Du plan général je passe ensuite à des plans plus détaillés de la strate à laquelle je suis rendue, je réalise des croquis et établie une la liste précise et organisée des éléments qui doivent figurer dans mon illustration des romans de Jules Verne, après les avoir lus, avoir souligné des passages importants, avoir pris de notes et faits de recherches… :
Je cherche des modèles, je constitue et remplie mon classeur de sources d’inspiration. J’alimente aussi au fur et à mesure mes tableaux Pearltrees et Pinterest qui recensent mes recherches. Dans mon répertoire de motifs, je relève ceux qui correspondent au thème « Jules Verne » et que je pourrais insérer dans mon illustration. Je teste des possibilités d’assemblage. Je réalise des croquis d’étude…. Comme tout artiste, mon cahier d’essais est un outil précieux qui tient une part importante dans la réalisation de mes œuvres.
Illustrer Jules Verne : zoom sur quelques détails de l’œuvre
de la Terre à la Lune :
Vingt Mille Lieues sous les Mers est mon roman préféré, mais la partie consacrée à De la Terre à la Lune est mon illustration favorite. C’est la dernière partie représentée, je suis allée de bas en haut, et c’est par la Lune que j’ai terminée, le dessin ultime, le dessin redouté. Elle est en position centrale, sa place était définie dès le début, mais j’avais extrêmement peur de la rater, de tout gâcher. Je trouve très difficile de dessiner la Lune en soi. Je me suis entrainée plusieurs fois avant de me lancer. Elle était placée depuis longtemps, toute la strate était complète depuis une semaine, il ne me restait plus que ce rond blanc à remplir, que je ne pouvais pas laisser blanc car Jules Verne passe de nombreux chapitres à détailler l’orographie lunaire avec les rainures, les « mers », les montagnes, les cratères, et à retracer l’histoire de la sélénographie … Donc la laisser blanche aurait rompu avec les textes et avec mes intentions artistiques. Mais le trac m’a retenu une semaine entière.
Pour ce qui est de la « Columbiad » (le canon propulseur) et de son « panache de feu », j’aurai dû le représenter de manière strictement vertical, perpendiculaire, mais par souci d’ordre graphique, d’agencement de la composition, j’ai pris la liberté de le faire oblique.
Quant à cette tête de chien, si vous demandez ce qu’elle fait là (ou si vous découvrez qu’il y en a une …), elle renvoie aux deux compagnons du voyage Autour de la Lune. L’un d’eux meurt au cours du décollage, et son cadavre est jeté dans l’espace. Je n’ai pas voulu représenter cet épisode de cette façon, comme le fait le graveur illustrant le roman. J’ai un rapport problématique à la mort, j’ai donc préféré représenter le visage (et non le corps sans vie) de ce chien, en m’inspirant de celui de Laïka, première chienne envoyée dans l’espace en 1954 par les Russes. J’ai souhaité rendre hommage à la fois à cet animal historique et à ce caractère visionnaire de Jules Verne.
Jules Verne en caractères runiques :
Dans Voyage au Centre de la Terre, l’aventure commence par la découverte d’un parchemin crypté en caractères runiques. Je n’ai pas repris le nom du savant islandais Arne Saknussem, auteur du dit parchemin, dont le nom est gravé sur les parois du volcan. Je l’ai remplacé par le nom de l’auteur des Voyages Extraordinaires. Cela me permettait de mentionner indirectement son nom dans la Compozia, ayant fait aussi le choix de ne pas insérer son visage, son portrait, comme beaucoup d’illustrateurs/artistes le font. J’ai retranscrit son nom en caractères runiques (en futhark ancien) comme j’ai pu : le J et le V étant des lettres et phonèmes difficiles à faire correspondre avec les équivalents de ce vieil alphabet (dont il existe par ailleurs plusieurs versions), il est écrit « IULES WERNE ».
le Nautilus :
Pour le Nautilus, je n’ai pas suivi le modèle très courant, souvent imité, du film de R. Fleischer, j’ai préféré m’en tenir à la description exacte du livre (voir article partie 3/3 sur les références littéraires), en revanche je reconnais ne pas l’avoir fait suffisamment allongé.
la montre , la carte et les machines volantes :
Le motif de la chaîne est une reprise d’un motif récurrent des couvertures Hetzel (l’incontournable éditeur des Voyages Extraordinaires).
La carte est un plan de l’île Lincoln (l’Île Mystérieuse) d’après la carte dessinée par Jules Verne lui-même, étant un grand passionné de géographie.
J’avoue ne pas avoir lu l’Île Mystérieuse, roman de 1000 pages. J’avais peur de perdre trop de temps, je voulais avancer dans la composition. Je me suis donc contentée pour cette petite partie de regarder le film et le dessin animé (excellente série animée par ailleurs) et de m’inspirer des illustrations de Férat.
De même pour Robur le Conquérant et Maître du Monde, que je n’ai pas encore eu le plaisir de lire, mais je voulais faire une allusion aux machines volantes imaginées par Jules Verne. J’ai donc illustré l’Epouvante et l’Albatros, sous la voute nuageuse, juste au-dessus de la strate consacrée au Tour du Monde en 80 jours, avant que Jules Verne ne nous emmène au-delà de l’atmosphère.
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