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Après avoir illustré Nantes, j’entame un nouveau projet de Compozia : une illustration des principaux romans de Jules Verne. Une des personnalités majeures du XIX°, écrivain incontournable à l’œuvre prolifique comprenant 62 romans, 18 nouvelles, ainsi que des pièces de théâtres et poèmes de jeunesse. Il a marqué son temps autant qu’il continue de marquer les générations actuelles. Ses récits sont une source d’inspiration inépuisable et d’une actualité étonnante. Très populaire, aussi bien en France que dans le monde, il est le Français le plus traduit, 2 ème écrivain international derrière Agathe Christie, et le 4 ème le plus adapté au cinéma. Ses romans sont une mine d’or pour les artistes et les illustrateurs. J’avais très envie de dessiner le portrait de Jules Verne et de m’atteler, à ma façon, à l’exercice d’illustration d’œuvre littéraires. Le choix des Voyages Extraordinaires était pour moi une évidence.

 

 

Portrait d’un auteur inspirant et fascinant

Avant-gardiste,  précurseur du genre de la Science-Fiction (qui n’apparaitra en tant que telle que le siècle suivant), Jules Verne est celui qui a réussi l’alliance rarissime entre la Littérature et la Science, à créer une symbiose et une harmonie entre ces deux disciplines que d’habitude tout oppose.  Et c’est ce que certains lui reproche d’ailleurs, il n’est pas un « vrai littéraire », d’autant plus qu’il écrit pour le divertissement de la jeunesse soit disant. Mais il ne faut pas s’y méprendre : s’il publie en grande partie dans le « Magasin d’Éducation et de Récréation » d’Hetzel (sans qui l’aventure n’aurait pas eu lieu), il n’en reste pas moins un auteur très intéressant à lire, relire et re-relire adulte. Si je l’ai lu étant enfant, le plaisir de le redécouvrir et de comprendre toutes les subtilités que mon cerveau de 10-12 ans ne pouvait appréhender, n’en est que plus grand à l’âge de 26, et je le relirai surement encore.

Ecrivains, artistes, ingénieurs, explorateurs, « hommes de l’espace » de toutes les nationalités, d’hier et d’aujourd’hui, sont encore inspirés par ses Voyages, par son imagination autant que par sa lucidité. Visionnaire, cet homme curieux et touche-à-tout, auteur infatigable, d’une gourmandise intellectuelle insatiable (on a répertorié plus de 20 000 fiches de notes sur les ouvrages qu’il a lu), s’appuyant sur les progrès dernier cri et recherches scientifiques de son époque, il devançait la science, réalisant les fantasmes des Hommes avant que leur réalisation ne soit rendue physiquement possible :

  • – les pas de l’Homme sur la Lune, les fusées et capsules spatiales
  • – la découverte des deux pôles (atteints par Amundsen quelques décennies plus tard)
  • – les sous-marins modernes (métalliques et électriques)
  • – le potentiel de l’électricité (sa démocratisation et ses dérives comme la chaise électrique)
  • – les appels téléphoniques en vidéoconférence et les hologrammes
  • – la démocratisation des machines-volantes et l’obsolescence des ballons à air, (imaginant des prototypes aux futurs hélicoptères et avions, fantasques certes mais l’idée était posée)

Il n’avait pas imaginé la technologie atomique, nucléaire, mais certaines de ses « visions » n’ont pas encore été réalisées : son engin polyvalent automobile-sous-marin-avion et la possibilité de se rendre invisible n’existent pas encore.

En outre, Jules Verne était moins misogyne, moins colonialiste et moins optimiste qu’on ne le pense :

  • – le Musée Jules Verne de Nantes a consacré toute une exposition à son féminisme insoupçonné, rendant hommage à ces femmes qui ont entouré sa vie, à celle qu’il a directement inspiré comme Nelly Bly et à celles qu’il a dépeint dans ses œuvres.
  • – A la lecture de ses romans, on découvre des dialogues nuancés. Les propos et expressions racistes étaient courantes et banales dans la communauté intellectuelle du XIX° et Jules Verne les reprend, mais à travers la voix de certains de ses personnages (comme le Capitaine Némo) on lui découvre des idées progressistes et nuancées, à l’instar des penseurs des Lumières.
  • – Et il est loin d’être un utopiste naïf. Et il n’avait pas imaginé que les progrès, mais aussi les tentations destructrices de l’humanité : comme la possible aliénation de l’Homme aux Machines, l’usage déraisonné d’armes trop perfectionnées, l’accaparement et l’ épuisement des richesses, la fragilité de l’écosystème et la disparition de certaines espèces (il ne pensait pas à la pollution, inconnue au XIX°, mais pressentait déjà les désastres de la chasse non régulée).

C’est un visionnaire et un grand écrivain incontestable qui fascine et inspire. Le thème du voyage est au cœur de ses œuvres. Voyageur lui-même, il a parcouru quelques mers et océans en bateau, et ses romans ont fait le tour du monde. Monde qu’il a parcouru tout entier dans son imaginaire, et même au-delà, repoussant toujours plus loin les limites de l’inconnu, il est allé de la Lune jusqu’aux confins du Centre de la Terre encore inexploré.

Mise en route du projet d’illustration

L’envie d’illustrer les romans de Jules Verne ne s’est donc pas fait attendre. En janvier 2019, mon Tableau Nantais à peine terminé, j’avais déjà cette idée en tête. J’ai rapidement imaginé un petit plan de composition. J’ai laissé mûrir l’idée quelques temps avant de passer aux choses sérieuses, d’autant plus que je ne voulais pas illustrer ses romans sans les avoir lus, sans m’être profondément imprégnée de son univers. Je me suis ruée sur la réédition de la collection Hetzel proposée par Le Monde et sur les Livres de Poche, pour pouvoir lire et prendre des notes sans abimer ceux de ma belle collection.

Car en effet, j’aime lire en prenant des notes (comme quoi mes études littéraires ne m’ont pas laissé que des mauvais souvenirs …) J’aime prendre le temps de relever ce qui serait pertinent à représenter sur la Compozia, à me documenter sur les progrès scientifiques que Jules Verne évoque, ou tout simplement relever une belle citation. Même si cela rallonge le temps normal de lecture, ça vaut le coup de faire ce travail-là. Et cela fait partie intégrante de ma démarche artistique. J’ai besoin de graviter autour du dessin, de faire des recherches complémentaires, visuelles et historiques, pour nourrir mon inspiration, et proposer une illustration profonde et cohérente. Ces recherches sont rassemblées dans un tableau Pinterest et Pearltrees (outil très pratique pour se constituer une sitographie) que j’ai pris plaisir à constituer.

Pour choisir les éléments à illustrer et composer mon dessin, je me suis basée sur la lecture effective des œuvres, sur le visionnage des films adaptés et sur les gravures originales (les magnifiques gravures de Riou, Neuville, Montaut pour ne citer qu’eux, qui accompagnent harmonieusement l’histoire, à retrouver sur ce généreux site).

Je liste les éléments à représenter, notés d’abord en vrac puis je les classe et les mets soigneusement en ordre pour déterminer la marche à suivre, pour éviter de partir tout azimut.

Et puis le 22 juin, après 6 mois de maturation, de prises de notes et de croquis, commence enfin le dessin de la Compozia, dont voici un aperçu en images :

cette œuvre a fait l’objet d’un dépôt légal, elle est soumise au Copyright – tous droits réservés.