Début 2025, une nouvelle composition s’achève, une deuxième Ornithologia sur les oiseaux, un thème que j’aborde depuis peu dans ma démarche artistique. Ma première planche d’illustration ornithologique était sur les oiseaux visibles en France continentale. Celle-ci s’inscrit cette fois dans une approche chromatique et non géographique : ce sont les oiseaux bleus qui sont mis à l’honneur dans cette nouvelle illustration, dont je vous dévoile sans plus attendre les coulisses et les secrets
I. Un titre poétique
Comme pour la première Ornithologia, son titre est un haïku, une forme poétique que j’affectionne de plus en plus ; un exercice d’écriture et de style auquel je m’adonne depuis quelques temps et qui me procure un apaisement certain.
« Il n’y a pas de couleur
Plus douce que celle
Des anges et du ciel. »
Ornithologia n°2
J’avais envie d’un titre évoquant le bleu et les oiseaux sans prononcer ces mots explicitement. Je ne peux nier la dimension mystique de ce titre. Le bleu est une couleur très symbolique, fortement associée à la spiritualité. Dans un contexte plus personnel, ce titre mystique s’explique par une récente et douloureuse expérience (un deuil périnatal) qui a soulevé en moi des questionnements métaphysiques et un besoin de recueillement dans la poésie et dans le dessin.

II. Oiseaux bleus : une idée, une recherche
J’ai entrepris cette illustration en juin 2024. Alors que je n’avais pas encore achevé ma Compozia sur le mythe osirien, mes pensées créatrices se dirigeaient à nouveau vers les oiseaux, un thème de prédilection en période de vacances. J’étais en effet partie dans les Alpes près des lacs d’Annecy et de Thonon-les-Bains, un endroit propice à l’observation ornithologique. On peut y observer facilement des grèbes huppés, des foulques macroules, des milans noirs, des grands cormorans, des cygnes chanteurs… et bien d’autres encore.
Cette idée des oiseaux bleus n’était pas nouvelle. Pendant que je finissais ma première planche sur les oiseaux de France, en octobre 2023, j’avais dans mon carnet déjà émis cette hypothèse de travail et avais déjà entamé une liste, que j’ai reprise, complétée, affinée l’année suivante.
Cette liste a été établie par mes soins, sans avoir recours à une intelligence artificielle. Je tiens à la préciser, dans le contexte actuel. Cette sélection d’oiseaux est le résultat de longues heures de recherches personnelles et assidues, sur Internet mais sans IA*. Au cours de ces recherches, beaucoup d’images m’ont été proposées mais rares étaient les fois où le nom de l’espèce était clairement identifié. Il m’a fallu remonter des pistes, comparer des photos entre elle, croiser des informations, vérifier sur des sites de confiance (comme oiseaux.net) l’existence et le nom de l’espèce. Certains sont apparus dans ma liste sur le tard. D’autre au contraire en ont été retirés.


* Et je suis plusieurs fois tombée sur de faux oiseaux, des images générées par des IA, mais on les repère très vite car nous n’en sommes qu’au début. Ce qui me fait peur c’est à l’avenir, quand les logiciels d’IA seront encore plus performants, qu’il sera plus difficile de distinguer le vrai du faux… Bien que cela soit chronophage, il me parait très important de continuer à chercher par soi-même, cela fait intégralement partie d’un véritable processus créatif.
III. Oiseaux bleus, une approche chromatique :
Le camaïeu de bleu est au cœur du principe de composition. Les 99 oiseaux représentés ont été scrupuleusement triés par nuances de bleu (noir aux reflets bleus, bleu foncé, bleu intermédiaire, bleu clair, parfois turquoise, bleu-gris et enfin blanc). Il s’agit bien entendu de vrais oiseaux bleus, de vraies espèces, dont le plumage est réellement bleu ou présentant des reflets, des tendances.
La composition a progressé dans cette logique de dégradé, de nuancier. Je suis allée des bleus les plus foncés vers les plus clairs. Mon dessin, sa réalisation, a cheminé dans un mouvement ascensionnel : un principe que j’avais déjà mis en place dans mon illustration sur les Voyages Extraordinaires de Jules Verne.
Cela n’a pas été toujours évident de catégoriser certaines espèces en fonction du ou des bleu(s) de leur plumage. Des oiseaux qui m’apparaissaient bleu-gris un jour me paraissaient finalement seulement gris le lendemain. Des oiseaux semblaient plus foncés ou plus clairs que la veille… Ma remarque est somme toute banale mais à l’occasion de ce projet, j’ai pris conscience à quel point les couleurs sont affaires de perception de la lumière et de subjectivité. Je regrette d’ailleurs un de mes choix, pour le tchitrec azuré, je le percevais à tord plus foncé qu’il ne l’est vraiment. Si je pouvais revenir en arrière, j’inverserais sa position avec celle du porphyrin à bec jaune (rajouté tardivement dans ma liste).
Cette approche chromatique est une première dans ma démarche artistique. J’ai donc choisi une technique également innovante pour moi. Ce n’est pas du tout innovant en soi – dans les pratiques artistiques modernes et contemporaines – mais ça l’est pour moi, comparativement à mes précédents travaux. La première couche de couleurs, la base, est faite à l’aquarelle ; réhaussée ensuite par une seconde couche de détails réalisés aux crayons de couleurs ; à laquelle s’ajoutent parfois, dans un troisième temps, des traits de Posca ou de pastels secs pour rajouter des petites touches de blanc ou des effets de texture.
IV. Une question de temps :
Commencé en juin 2024, achevée en janvier 2025, ce travail s’est étalé sur 7 mois. Je devais d’ailleurs absolument la finir dans ce délai car j’avais postulé à une exposition thématique aux Sorinières et avais envoyé ma candidature en annonçant l’achèvement de cette œuvre, pour répondre au thème de l’expo : « Sauvage(s) » (fin février 2025, voir la page Evènements).
Au cours des expositions que j’ai pu faire, les visiteurs m’ont souvent posé la question suivante : « Mais combien de temps cela vous a pris ? ». Et je ne sais jamais comment répondre avec précision car je ne compte pas mon temps. C’est désagréable de se chronométrer, et de se filmer aussi d’ailleurs… Cela met une barrière, un filtre, un écran entre moi et mon dessin ; cela me coupe de mon œuvre et de mon plaisir à la composer. Je me suis donc toujours évaluée par rapport au mois où le projet a commencé et le mois où il s’est achevé. Ainsi, certaines œuvres me prennent 3 à 4 mois, d’autres 9 à 11 mois ; en tenant compte du fait que cette vie artistique n’est pas ma seule activité, j’exerce un travail salarié. Je dessine parfois le soir, surtout le weekend et pendant les vacances, une demi-heure par-ci, trois heures par-là, quand j’ai le temps, l’énergie, l’envie, l’opportunité…
Mais comme cette question revient souvent dans la bouche des visiteurs et de mon entourage, je me suis donc astreinte à une certaine discipline de chronométrage sur quelques oiseaux, pour effectuer une moyenne. En extrapolant le résultat obtenu sur 12 oiseaux, je peux évaluer à l’estime le temps que ça m’a pris de réaliser cette deuxième Ornithologia.
Le dessin en tant que tel d’un seul oiseau m’a pris en moyenne 52 minutes : en comptant l’esquisse préalable, la première couche d’aquarelle, un petit temps de séchage* (pendant lequel je réfléchis à la suite), et les couches finales de crayons et pastels. Ayant rassemblé dans cette œuvre 99 oiseaux, j’arrive à un total de 85 heures et 48 minutes, qu’on va arrondir à 86 heures.
*mais parfois je laisse le séchage se faire pendant la nuit, ce temps n’est alors pas comptabilisé.


Sans exagérer, je pense que je peux compter également, par extrapolation, 86 heures de travail de recherche parallèle :
- ♦ Recherche, sélection, tri des oiseaux en fonction de leur teinte de bleu
- ♦ Réflexions sur l’agencement des oiseaux les uns par rapport aux autres
- ♦ Recherches de modèles
- ♦ Et tous ces moments où je gravite autour de mon projet (recherches de poèmes et de chansons sur les oiseaux ou sur le bleu, lectures documentaires sur certaines espèces, …etc.)
Je dois en effet tenir compte, dans mon temps de travail, de tout ce qui nourrit mon inspiration artistique et que je compile dans mon carnet, dans mon « Grimoire aux Oiseaux », qui devient par là même une œuvre à part entière, et qui participe très activement à la réalisation de cette planche d’illustration.
Je peux aussi comptabiliser le temps nécessaire à la mise en place du mapping interactif des oiseaux, dans une phase de « post-production ».
86 heures de dessin + 86 heures de recherche = 172 heures au total. Si on compare avec une vie salariée, sur une base de 35 heures/semaine, en travaillant 7 heures par jour comme un employé de bureau, cela correspond à 5 semaines de travail (un mois complet + une cinquième semaine). Mais ce temps s’est étalé dans les faits sur 7 mois.
Bien que désagréable, cet exercice de chronométrage est intéressant pour évaluer mon travail.
Pour aller plus loin
Liens vers d’autres articles complémentaires bientôt disponibles…
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